Est-ce qu'une chose peut être la meilleure chose et la pire chose en même temps?
Pourquoi pas? Et je crois bien que oui.
À chaque semaine, je passe tout près de la station de TGV de ma ville. Elle n'est pas encore en service, mais ça s'en vient dans deux ans.
Et avec mes yeux d'urbaniste, je vois le bonheur et le malheur en même. Pour Tokyo, c'est une manne : enfin une nouvelle région où il va être facile de placer des usines et, ultimement, des services de proximités, et ça va libérer la ville pour les hautes affaires. Pour Toyama, la ville et la région, et, à plus forte raison, Kurobe, ce n'est pas très loin de la catastrophe.
Ça ne veut pas dire que Toyama ou Kurobe va disparaître physiquement. Économiquement, quelque chose va se passer. Mais je ne crois pas que les gens soient conscients de ce qui va vraiment se passer. Hormis un musée grandeur nature d'une culture en voie de disparition, Toyama n'a strictement rien à offrir à Tokyo, sinon son territoire. Tokyo, elle, a tout à offrir à Toyama, sauf son territoire. En gros, Tokyo est la grande gagnante.
Toyama ne gagne rien au change. En fait, elle perd sa seule chance de demeurer le moindrement autonome. Ses meilleurs cerveaux vont, naturellement, se diriger vers Tokyo, là où il est possible d'influencer économie et politique. Ses meilleurs talents en feront tout autant. Pourquoi rester à Toyama quand il y a plus à faire à Tokyo? Ceux qui vont rester, ce sont ces travailleurs d'usine, les travailleurs des services de proximité pour ces premiers travailleurs, et les têtus qui vont rester à Toyama même s'il n'y a plus rien d'autre à faire.
Tokyo y gagne au change : puisque Toyama, Kanazawa et toute la région de Hokuriku devient soudainement beaucoup plus accessible, cette région va maintenant faire partie de la banlieue de Tokyo. Pas littéralement, évidemment : 2 heures ou 3 heures, c'est encore trop long pour un déplacement quotidien, et le TGV est ridiculement cher de toute façon. Mais les grandes entreprises de la Capitale, elles, vont très certainement profiter de cette manne de personnel qui va vouloir venir à Tokyo prendre les décisions, et les autres qui veulent des emplois dans leur région.
Les gens de la région vont aussi tous y gagner. Les cerveaux et les talents vont simplement partir pour Tokyo. Ceux qui restent prendront les emplois qui viendront avec cette banlieusardisation industrielle.
Mais au bout du compte, je vois ça, et il y a une grande perdante. La culture de Hokuriku.
Elle était déjà moribonde; on le sens en voyant le centre-ville de Toyama. Le Shinkansen va simplement l'achever. Les éléments folkloriques qui restent ne seront plus que du folklore mort-vivant, spectacle pour les touristes de la Capitale, musée grandeur nature où pratiquement plus rien n'évoluera. On ne dansera plus pour fêter le pays de l'Etchuu; on va danser pour le Tokyoïte de passage, pour qu'il reste un peu plus longtemps, et la culture va se figer dans le temps, et puis finalement tout le monde va se Tokyoitiser à qui mieux-mieux.
Je suis à Kurobe, Toyama, Hokuriku depuis seulement 8 mois. Je suis encore un nouvel arrivant. Mais je me sens constamment triste à cause de tout ça. Je suis témoin des derniers jours de l'âme de la région, avant que la Gigapole en devenir ne prenne sa place.
Assister à la mort d'une culture n'est jamais plaisant...
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